Je suis à 100% d’accord avec cette tribune de Pierre Larrouturou, publiée dans le Monde. C’est un appel à un sursaut de la Gauche Européenne, pour mettre à jour notre projet. Je vous invite donc à signer son appel et a le relayer vers vos élus et contacts au sein du PS.

Nous sommes en 1930. La crise a éclaté quelques mois plus tôt. Partout le chômage augmente mais rien d’irréversible ne s’est encore produit. Nulle part la crise sociale n’a encore débouché sur la barbarie. En 1930, dans son premier livre, Contribution aux Etats-Unis d’Europe, Pierre Mendès France écrit que, pour éviter le chaos, “une course de vitesse est engagée”, et pour gagner cette course de vitesse, Mendès France affirme qu’il faut créer une monnaie unique européenne dotée d’une vraie gestion politique et investir sur le plan social les marges de manoeuvre créées par cette monnaie unique.

Monnaie unique. Gouvernement politique. Projet social. En 1930, un sursaut européen est possible car l’Allemagne est un pays démocratique. Hélas, Mendès n’est pas écouté et, trois ans plus tard, après l’arrivée au pouvoir de Hitler, plus personne ne propose un sursaut européen… En 1930, il était possible d’agir. Trois ans plus tard, il est trop tard.

Aujourd’hui, nous sommes en 1930. La bulle a éclaté. Partout la courbe du chômage s’affole. Nul ne peut plus nier l’extrême gravité de la crise, mais rien d’irréversible ne s’est encore produit. Comme en 1930, la cause profonde de la crise est avant tout sociale : dans tous les pays occidentaux, depuis le début des années 1980, chômage et précarité ont provoqué des déséquilibres sans précédent.

En vingt-cinq ans, en Europe et au Japon, la part des salaires dans le PIB a diminué de 11 %. Aux Etats-Unis, seuls les 5 % des personnes les plus riches ont vu leurs revenus augmenter depuis dix ans. Les autres ont vu leurs revenus stagner ou diminuer. Si la consommation a continué d’augmenter, c’est uniquement parce que l’on a poussé les classes moyennes et les pauvres à s’endetter. A s’endetter de façon insoutenable.

Comme en 1930, une course de vitesse est engagée. Pour trois raisons au moins. Premièrement, la situation sociale en Chine est totalement instable. Tous ceux qui ricanaient, en 2003, quand nous nous inquiétions du niveau de la dette privée aux Etats-Unis, ricanaient aussi quand nous soulignions la fragilité de la croissance chinoise. “Il n’y a aucun risque de récession aux Etats-Unis, affirmaient-ils. Et même si les Etats-Unis ralentissent, la Chine prendra le relais.”

Le 2 février, le gouvernement chinois a annoncé que 20 millions de travailleurs migrants ont déjà perdu leur emploi à cause de la crise. En quelques mois seulement, 20 millions de nouveaux chômeurs ! En huit ans, la Chine a doublé son budget militaire et le 3 mars, le gouvernement a encore annoncé une augmentation de 15 % ! Si la situation se dégrade trop fortement, nul ne peut être certain que ce qui s’est passé en Allemagne entre 1933 et 1945 ne va pas se jouer à nouveau en Chine dans les vingt ans qui viennent, avec Taïwan ou le Tibet dans le rôle de l’Alsace-Lorraine.

Une course de vitesse est engagée aussi en Europe. Des milliers de jeunes étaient dans la rue à Athènes en novembre 2008 pour crier leur ras-le-bol du chômage et des petits boulots. En France, les émeutes de Guadeloupe rappellent celles de 2005 et expriment la même attente de dignité et de justice sociale. En Espagne, beaucoup s’inquiètent d’une possible explosion sociale si, comme l’annonce la Commission européenne, le chômage atteint en 2010 19 % de la population…

Tous nos pays sont dans une situation de tension extrême. Et nul ne sait ce que peut donner le ras-le-bol des classes moyennes, des précaires et des pauvres si nos élites sont incapables de construire très vite et de mettre en oeuvre une stratégie de sortie de crise.

Une course de vitesse est engagée pour une troisième raison : il ne faudrait pas que la gravité de la crise sociale nous fasse oublier la gravité de la crise climatique et de la crise alimentaire, que les milliards que l’on donne aux banques soient retirés des plans de lutte contre le dérèglement climatique ou de l’aide au développement.

Au bout de trente ans de fuite en avant, nous n’avons plus droit à l’erreur. Nous avons encore quelques marges de manoeuvre mais elles sont limitées. Que voulons-nous en faire ? Voulons-nous “relancer” un système à bout de souffle, socialement injuste et écologiquement intenable, ou voulons-nous utiliser ce qui nous reste de marges de manoeuvre pour construire une nouvelle société, plus juste et plus durable ? Il faut choisir.

Comme en 1930, nous sommes dans un moment où l’Histoire hésite. Ce moment où nul ne peut plus contester l’extrême gravité de la crise mais où rien d’irréversible ne s’est encore produit. Et comme en 1930, une partie des solutions est à construire au niveau européen.

J’étais à Madrid, le 1er et le 2 décembre 2008, au Congrès des socialistes européens. Tous, nous étions très émus de voir des femmes et des hommes venus des vingt-sept pays d’Europe se lever les uns après les autres pour soutenir le Manifesto rédigé sous la houlette de Poul Rasmussen, le président du Parti socialiste européen. C’était une première dans l’histoire de l’Europe.

Mais il faut aller plus loin. Plus vite. Tous ceux qui ont pris la parole à Madrid l’ont dit : l’adoption du Manifesto n’est qu’un premier pas. Il faut être plus ambitieux et plus concrets si l’on veut gagner la “course de vitesse”. Voilà pourquoi, il y a quelques semaines, lors d’un face-à-face organisé à Bruxelles avec Poul Rasmussen, je lui ai proposé que les socialistes européens prennent une initiative historique.

A Bretton Woods, en 1944, on a réuni économistes et dirigeants politiques pendant trois semaines. Trois semaines pour inventer les règles du jeu qui ont permis trente ans de stabilité et de prospérité. De même, j’ai proposé à Poul Rasmussen d’inviter les socialistes et les syndicats des pays d’Europe à se retrouver pendant trois semaines pour approfondir le Manifesto.

Trois semaines de travail pour éviter que la crise échappe à notre contrôle. Trois semaines pour apporter des solutions concrètes à la crise financière et, surtout, construire un nouveau pacte social. Est-ce trop demander ?

Nous devons nous laisser bousculer par la crise. Nous ne pouvons pas attendre que le système s’écroule pour nous donner les moyens (et donc le temps) de nous mettre sérieusement au travail.

Je renouvelle aujourd’hui mon appel : si nous voulons gagner la course de vitesse, si nous voulons gagner les élections européennes pour être en situation de négocier avec les Etats-Unis et la Chine un nouvel équilibre mondial, il est urgent de réunir les socialistes des vingt-sept pays pour muscler notre Manifesto. Poul, Martine, Jose-Luis, Elio et Frank-Walter qu’en pensez-vous ?

Voilà c’est dit, et c’est clair et net.


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