Il n’y a aucune statistique fiable dans ce domaine. Et ce d’autant plus que depuis 10 ans, c’est-à-dire depuis l’entrée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur, on a exigé de la hiérarchie policière une politique du chiffre pour des raisons électoralistes. Bien souvent, on confond la mesure de l’insécurité (faits avérés pour lesquels il y a eu plainte et un déclenchement d’une action publique) avec la mesure du sentiment d’insécurité (la peur de se faire agresser).

Je ne discute pas les graphiques de l’Insee. Je m’interroge sur les conditions de leur élaboration qui s’appuient ou sur des données sujettes à caution (celles qui sortent des commissariats ou de la place Beauvau) ou sur de simples témoignages que les enquêteurs de l’Insee (souvent des intérimaires) n’ont ni les moyens ni le temps de vérifier.

Bref, je me méfie des chiffres et des statistiques qu’on balance pour étayer des jugements de valeur, que ce soit sur la « gauche morale » ou la « droite dupont-la-joie » ou que ce soit sur la « gauche caviar » ou la « droite camembert » dans le but de simplifier le débat et de faire la part belle aux analyses manichéennes.

Lutter sans complaisance contre l’insécurité, ce n’est pas de désintéresser des facteurs qui la favorisent (précarité, chômage, absence d’éducation, exclusions diverses, zones d’insécurité, etc.). La droite a refusé de traiter les causes pour ne se cantonner qu’au spectacle de la répression pour des raisons électorales. Elle a pris un malin plaisir à simplifier à outrance la question de l’insécurité, histoire de grignoter en 2007 l’électorat frontiste. Selon elle, la prévention a nourri la soi-disant « culture de l’excuse » (expression que l’on doit au médiatique « criminologue » Xavier Raufer, ancien militant du groupuscule fasciste Occident). On a vu les résultats catastrophiques de ces discours débiles quand la police de proximité a été supprimée du jour au lendemain.

Rappeler l’inanité de la répression pure et simple, c’est faire de la « gauche morale » ? Craindre un alignement du gouvernement actuel sur les positions du précédent dans ce domaine, est-ce faire de la « gauche morale » ?

Non. Et ce n’est pas faire non plus de l’angélisme en niant les problèmes. C’est rappeler qu’il n’y a pas d’effets sans causes. C’est rappeler que François Hollande n’a pas été élu pour faire du Nicolas Sarkozy avec de la normalité en plus.

Je sais bien que le diable se loge souvent dans les détails, mais je peux vous assurer que je n’ai fait aucun aveu, encore moins celui qui consiste à plaindre les délinquants au détriment des victimes. A aucun moment, je n’ai minimisé les faits de délinquance ou relativisé leurs conséquences. Ne caricaturez donc pas mes propos, s’il vous plait !

J’ai simplement mis en doute nos instruments statistiques, ceux à partir desquels nos hommes politiques extrapolent et calent leurs discours stéréotypés. Ne comptez pas sur moi pour m’apitoyer par exemple sur le sort d’un proxénète, mais ne comptez pas davantage sur moi pour ne pas m’intéresser sur le parcours de ce même individu et sur les facteurs qui l’ont amené à transgresser la loi. Une politique pénale réfléchie et efficace est celle qui consiste aussi à jeter les bases d’une réinsertion réussie.

Il ne s’agit pas de dénigrer les victimes – contrairement à ce que la droite prétend – mais de ne pas se laisser submerger totalement par l’émotion des discours qu’on fait à leur sujet et qui a pu ainsi amener la majorité précédente, par exemple, à s’interroger sur l’opportunité de juger des déments pénalement irresponsables « afin d’aider les victimes à faire leur deuil » et ce au mépris des principes fondamentaux du droit pénal.

La répression est une chose. Mais elle n’est pas une fin en soi. Cette répression sans autre but qu’elle-même, je la laisse volontiers aux « gens honnêtes » qui veulent voir les prisons françaises remplies sans s’interroger le moins du monde sur l’état actuel de notre système carcéral (tant du point de vue des prisonniers que des fonctionnaires de la pénitentiaire) et qui ignorent que celui-ci ne vaut guère mieux que celui de la Moldavie (dixit un rapport de 2005 de l’ancien commissaire aux droits de l’homme, Alvaro Gil-Robles, du Conseil de l’Europe).

Ceux-là prétendent être réalistes alors qu’ils sont totalement à côté de la plaque.