53%
Je suis un assisté, comme disent les mecs de droite et ces cons de libéraux. Tout cela après avoir gagné 9 fois plus il y a 5 ans. Ça fait un choc quand on y réfléchit. Et bien sûr je ne retrouve pas d’emploi. Je viens de faire le calcul, en gros, je touche 53% de la valeur du seuil de pauvreté comme aide sociale. Et oui, je suis devenu un assisté…
Je suis au chômage depuis aout 2006, après avoir été cadre supérieur lors de mes deux derniers emplois. J’ai déjà relaté le principal obstacle à ma reprise d’emploi : Google, et le fait que je soit militant politique non anonyme.
Le dernier DRH rencontré devait me re-contacter avant la fin du mois (le quel?) en m’expliquant qu’il avait plusieurs postes à me proposer au vu de mon profil. Il n’a même pas répondu aux mails envoyés qui lui demandaient tout simplement de confirmer que j’avais eu deux rendez-vous dans son entreprise. Ça peut servir en ces temps de contrôle du chômeur.
Ça me faisait donc tout drôle de voir les publicités pour la nouvelle Box qui permet des appels illimités, contrôle parental…Désormais ça passe. On s’y fait vite d’oublier le nom des entreprises qui ont perdu du temps en vous recevant. Les pauvres pour peu on les plaindrait.
Et en plus pour mériter mes 480 euros mensuels, je dois toujours montrer que je recherche un emploi. Je vous le dit tout net, je le fais. Mais parfois, le cœur n’y est pas. Revenons à notre DRH de l’autre jour, il a du utiliser google et pousser des cris en voyant les résultats, ça explique son silence. Il n’ose pas répondre quoi que ce soit par mail… Pensez donc un militant politique. Peux-être a-t-il fait comme un autre , appel à Free pour avoir des infos sur mon passage chez eux il y a 9 ans maintenant, et entendre des mensonges honteux… Ne rigolez pas, de ça je garde aussi des traces.
C’est de la lâcheté. En plus, il doit sans doute tenir de temps en temps des discours qui incitent à la flexibilité, à l’adaptabilité des salariés aux besoins des entreprises. Sauf que là, le demandeur d’emploi n’a aucun élément pour s’adapter. Qu’est ce qui est en trop ? qu’est ce qui manque ? On voit bien que les entreprises ne jouent pas le jeu.
J’ai donc commencé à lire l’excellent livre de Camille Peugny: Le déclassement. Je vous en conseille la lecture. Cela décrit l’état des générations nées a la fin des années 60 et 70. Elles sont désormais coincées entre les vieux baby-boomers cadres supérieurs et les jeunes cadors au dents blanches formatés dans des écoles. Le témoignage de l’employé de banque p.85 résume la situation à merveille. On néglige la formation et la valeur de salariés au profit de la rentabilité immédiate et de l’obéissance stricte aux désirs des directions financières. Croyez le, ça génère de la colère chez eux qui ont espéré un jour accéder à des emplois supérieurs. Cela va finir par faire beaucoup de victimes de ce système pourri, vous ne trouvez pas ? On va enfin comprendre que seule une partie minoritaire de la population profite pendant que l’autre trime. Tout cela avec une endogamie qui réduit le brassage social.
Mais je suis rassuré, non je ne suis pas un déclassé. J’ai eu une chance inouïe, fils et petit-fils de paysan, j’ai pu accéder à l’enseignement supérieur. Malgré le manque de diplôme d’ingénieur, j’ai été cadre supérieur autonome pour un opérateur de télécom qui joue dans le CAC40: France Télécom. Je leur ai fait économiser des millions dans la relation client, on a voulu breveter un de mes algorithmes de diagnostic et auto-résolution des problèmes de connexions ADSL.
J’entend encore une DRH de cette entreprise m’affirmer sur un ton odieusement pête-sec: “Des gens comme vous, on ne les embauche pas chez France Télécom” quand je postulais à la version CDI de mon emploi en CDD sur l’intranet de l’entreprise. J’ai tout conservé, je me demande d’ailleurs si ça ne vaut pas le coup…. de tout jeter !
Et oui, j’hésite entre la révolte et l’effacement. C’est dire. L’effacement c’est la version molle de la révolte. Ne plus fournir sa part au système, ne plus produire, consommer le moins possible. Et espérer qu’un jour la situation s’améliorera. On ne sait jamais, les recruteurs ne sont pas tous aussi peureux, Google peut prendre feu et la gauche peut gagner les élections en 2012.
Ah, un petit détail, quand j’ai payé toute mes charges (dont le reste de loyer qui n’est pas couvert par les APL) , il me reste 150 euros pour vivre et manger dans le mois. C’est ça le luxe de l’assistanat ! Précisons que c’est l’ASS et pas le RMI, ce qui exclue donc la CMU-complémentaire, les transports parisiens gratuits et quelques trucs utiles. L’avantage c’est que mois après moi on découvre que des “amis” ne vous appellent plus, par ce que vous ne pouvez plus vous offrir de sorties. Certains me lisent, ils ne peuvent plus poster de commentaires (vive le firewall, et dotclear): Mes chers amis, je vous emmerde encore plus que jamais.
Si un libéral ou un UMP veut comprendre ce que tout ça veut dire, il peut venir me voir et on en discutera: La prise de risque je sais ce que ça veut dire, surtout quand on perd 90% de ses revenus ensuite.