Melenchon, compteur d'histoires.
Avec quelques autres blogueurs nous avons rencontré Jean-Luc Melenchon, c’était il y a une dizaine de jours. Voici donc (enfin) le billet sur cette rencontre passionnante. Le titre choisi ne doit pas vous tromper, j’ai beaucoup d’estime pour le personnage même si je ne suis pas d’accord avec toutes ses idées. Il nous a expliqué des choses très intéressantes. Je vous ai proposé le son de l’interview à commenter, vous en avez trouvé quelques unes. Sarkozy, Internet, les médias, Loppsi, les divisions de la gauche, Mitterand et 1981… J’ai retenu quelques points intéressants, vous allez le voir.
Il nous raconte des histoires, ou plutôt parle de l’Histoire. Ce n’est pas du storytelling qu’aime à décrire notre sympathique collègue rouquin. Le personnage Melenchon est intéressant, j’ai bien dit modulo certaines de ses idées. Il a de l’humour et peut philosopher sur l’existence ou non de Dieu. Il cite Marx, Condorcet et Napoléon et dispose encore de cette capacité a se révolter contre les absurdes évidences qu’on nous balance . Certains le trouvent gauchiste, et bien non: c’est un sans-culottes. 1789 ou 1848 ne seront jamais abordés dans l’entretien, ce sera pour une prochaine occasion si je le rencontre à nouveau. En effet il pense encore que la France à un rôle particulier, c’est l’esprit universaliste des deux révolutions: Est ce que le peuple français peut apporter une contribution…
Questionné sur l’identité nationale et sur Sarkozy, il nous répond que sarkozy est un VRP qui fait semblant d’aimer la France. Très juste, c’est un vendeur d’aspirateur des années 70 ou des années 80. Alors, un gauchiste reprocherait à quelqu’un de ne pas aimer la France ? Pire encore, parlerait-il de “terroir” ou de “patrie“, ou disposerait-il de ces mots dans son langage ? Cette question est essentielle. Écoutez le son, ça figure au début. C’est donc un républicain, un adepte de la méritocratie. Encore moins ringard, il admet encore une fois que son blog lui sert à faire évoluer sa pensée. Et que de tout débat, il ressort plus riche. A condition que celui-ci soit un “débat argumenté” opposé au péremptoire. Péremptoire, c’est associés aux trolls qui polluent son blog. Son blog, qui lui “permet de se fixer dans le temps” ou d’archiver l’actualité. Comprenez alors le besoin de passer les trolls au karcher .
Vogelsong l’a questionné sur les médias. Melenchon nous a précisé qu’il a travaillé jeune dans la presse locale. les médias sont essentiels au fonctionnement de la démocratie, de la République ( tiens serait-ce un mot de gauchiste ?). Ils sont nécessaires à la compréhension des problèmes et doivent faire du décryptage, permettre l’esprit critique. Mais désormais les opinions sont réduites à l’état de poisson panné. L’image est terrible, pour ceux qui ne comprennent pas il répètera : Standardisation des mots et des idées. Tout ça “rend vain la méritocratie” qui est utile selon lui. Ca ne lui plait pas, ça le révolte. Il nous a parlé de déculturation , des idées libérales qui annoncent la fin de la sphère publique et du nouveau vocabulaire : proximité, moderne etc.. Tout ça est une subversion globale (..) dans un monde convenu. N’importe quel mec de droite verra-ici un discours gauchiste. Non, c’est un contestataire, un esprit libre qui doute. Écoutez Melenchon en petit comité, il vous exprimera ses doutes et ses certitudes. Il nous a aussi expliqué que des journalistes mal payés pouvaient faire le job de quatre. Ça plaira aux forçats de la presse. Concernant le format de l’entretien Il l’a dit “là, je parle je suis pas interrompu“. Et oui, nous ne sommes pas des ELKB ou des Apathie chez qui “il faut que ça saigne, il faut qu’il se passe quelque chose“.
Sur cette population là, il a expliqué un truc , je remercie Jmf pour en avoir rédigé le verbatim :
”C’est facile de manipuler un journaliste. Il vient, il vous tend un micro, vous voulez pas répondre. Ne dites surtout pas “je veux pas répondre”. Non, il ne faut pas faire ça, il faut être transparent, on est dans une société de névrose, il faut être transparent. Je rentre dans le détail, autant que la technique soit connue. Bon, comment on fait. Faut surtout pas lui dire
sinon vous êtes mort. Donc il faut faire une phrase longue, très longue, avec le verbe à la fin. Donc il peut pas couper, ni quand il enregistre, ni quand il filme. Donc il va jeter Jusqu’au moment où vous allez mettre les quatre mots. Si vous avez bien fait votre affaire, que vous avez fait vos phrases longues, il en peut plus Donc vous attendez le moment d’ébullition, et quand vous voyez qu’il n’en peut plus vous glissez quatre mots. Et hop, l’affaire est dans le sac. La deuxième technique consiste à mentir Soit vous donnez avec votre visage des indications que vous vous foutez de sa gueule, et dans ce cas la, il ne va pas vérifier il jette. Soit il gobe et dans ce cas vous avez l’ineffable plaisir de voir quelqu’un répéter une connerie plus grosse que lui.”
Terrifiant non ? Sur l’affaire Chabot Peillon son avis est simple, Chabot est une vache sacrée qu’il faut contourner dans la rue. Face à ce genre de cas, il pense qu’il faut pousser à la déconsidération , avec de l’humour et des blagues (ce qu’il fait lors de son grand jury avec Mougeotte et Apathie). Pour lui Peillon a retourné le spectacle, il pense que ça été efficace et que cette lutte est symbolique. Surtout que les médias se sont placés dans un sale rôle. Avec mécanisme d’auto-censure vis à vis des pouvoirs en place et des idées devenues molles avec des mots creux qui servent de totem. Il nous a expliqué avoir relu des notes des années 80, quand le club de l’horloge a introduit le vocabulaire creux des néo-cons US dans la tête de la droite française. A cette époque la droite se demandait comme elle avait perdu contre la gauche, après avoir effrayé les gens en annonçant les chars russes sur la place de la concorde et expliqué que la gauche prendrait leur frigo (…) Mitterand n’a pas fini de souffrir ils sauteront sur son cadavre pendant 100 ans (…) ils ne ratent pas une occasion de lui cracher dessus. La droite à donc imposé son cadre idéologique qui a infiltré la gauche…
Il nous explique qu’il a écrit un petit livre en 1991, jusqu’à l’os où il critiquait le moment. Il l’a relu récemment, le mot fuse : putain, pfff, c’est pas vrai (..) la même chose, je pourrai écrire la même chose.
A un moment questionné sur la critique de la gauche social-démocrate, il va nous faire une belle explications sur l’état du mouvement socialiste mondial. La seule gauche qui existe dans des dizaines de pays, seul parti dans beaucoup de pays. Tout ça fait partie de l’internationale socialiste. La critique doit être à mort, pour ne pas finir dans l’abjection du système comme le SPD allemand ou les italiens. Le son complet est là:
Attention, dedans on entend Dedalus se faire basher. Par ce qu’il est de ceux qui ne comprennent pas qu’on puisse critiquer le PS, force de gauche majeure dans ce pays et portant donc de grandes responsabilité vis à vis des demandes, surtout après des renoncements en tout genre.
Il y a aussi un passage très intéressant où nos amis où nos amis blogueurs qui n’étaient pas venus se sont fait un peut corriger. Il faut dire qu’ils avaient essayé de faire comme Apathie et EKLB ou de poser des questions idiotes selon Melenchon.
Et sur le NPA, les révolutionnaires, mai 1981 et le rêve d’une insurrection, vaste mouvement populaire permettant de dépasser le moment, mais rien n’est venu : Sur le moment nous étions sidérés. Pour lui sans intervention populaire, rien n’est possible. Et ce n’est pas la révolution. Il explique 1983 et le problème de réaction au concret. Sur les révolutionnaires du NPA, c’est leur capacité à se révolter qu’il salue, même s’ils sont bordéliques. Il espère qu’ils finiront par comprendre quelque chose et l’admettre: l’idéologie républicaine et ne plus avoir peur des urnes. Il n’y a plus de masse de petits curés et de paysans réactionnaires. Et précise : si vous n’aimez pas les gens qui circulent ( D à G ) ne votez pas pour nous. C’est là un point de désaccord important pour moi. JLM fait comme beaucoup, il espère voir les révolutionnaires devenir démocrates et ne comprend pas que d’anciens adeptes du système capitaliste deviennent critiques de celui-ci et s’approchent ou intègrent la gauche. Le mouvement est pur dans un sens et impur dans l’autre. Non merci.
Sur les 10 points de PIB, Il nous expliquera ce qu’il faut pour récupérer une partie du pactole de 200 Milliards/an passés dans les poches du capital : Un fort mouvement populaire, un soutien de taille car le truc risque d’être violent politiquement, le système serait en tension, il faut l’assumer.
Mais il nous explique aussi que sans Mitterand nous en serions au même niveau que l’Angleterre: mon combat c’est pour qu’on assimile une histoire. Idem sur Jospin, dont il prend la défense: Sur les privatisations. Lionel ça se résume pas à ça(..) quand on fait le bilan, on voit qu’il a rendu le pays avec tous les comptes en vert.
Ce qui manque dans le son, et que je regrette c’est une anecdote qu’il nous a raconté à la fin, et qui est pleine de sens:
Dans les 90′s Melenchon accompagne Jospin sans un pays d’Amérique latine où un gouvernement “soc-dem” est au pouvoir ( corrompu) et victime de problèmes financiers. Le ministre des finances s’approche de Jospin, lui tient le bras ( ce que Jospin exècre: il ne faut jamais le toucher) et lui dit “prêtez nous de l’argent on en a besoin.. et on vous remboursera avec les privatisations” Jospin ne répond pas . Le président se penche vers les 3 et dit “Mais il reste encore quelque chose à vendre dans ce pays?”
la bande de crapules avait tout privatisé ou presque (eau etc..), s’était servi sur la bête (corruption). Voilà la corruption de la social-démocratie.
Et pour savoir quelles seront les prochaines attaques libérales ou néo-con: Posez vous la question suivante : Mais il reste encore quelque chose à vendre dans ce pays?”
Simple non ? Posez vous cette question à chaque fois que vous entendrez parler d’une réforme.
Allez lire Seb Musset qui a isolé d’autres passages. Ou Vogelsong qui s’est attaché au passage sur les médias. Ou Laure Leforestier qui s’est attaché au problème du productivisme, ou encore Richard Trois sur lepost.fr.
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ah chic ça y est tu as eu le temps !