UMP insécurité et récidive : 1 fait divers = 1 loi
La pénible affaire de la jeune Agnès violée et assassinée par un adolescent de 17 ans a secoué l’UMP. Celle-ci va donc rajouter une 7e ou 8e loi sur la récidive. Ce bref billet pose quelques questions.
Combien de viols avec meurtres par an par des mineurs ?
Des chiffres sont disponibles auprès du ministère de la justice. le blog “insécurités” a donc fait un simple calcul sur les meurtres entre mineurs.
De nos études sur les homicides, nous pouvons préciser que ces meurtres entre mineurs sont généralement le fait de garçons sur d’autres garçons. La statistique de police ne précise pas le sexe des victimes, mais il est donc probable que sur ces 2 cas de 2010, 1 seul sinon 0 correspond au cas d’un mineur (garçon) tuant une mineure (fille).
Voilà donc 1 fait divers de ce type ou même zéro. Et voilà donc la machine infernale mise en marche. On va donc changer la loi pour UN CAS, et cette loi va s’appliquer pour des centaines ou milliers d’autre cas qui ne seront pas identiques. Quelque soit la douleur des parents et des proches. Et surtout sans se poser la question des moyens existants en terme d’accompagnement et de suivi judiciaire, social et médical des violeurs ou délinquants violents.
Le nombre de meurtres baisse depuis des années, mais leur exploitation médiatique augmente , d’où un sentiment de dégout manifestement plus fort des citoyens. Sans doute exagéré par l’information en temps réel et le gout de l’UMP et du FN d’en faire un objet politique permanent.
Et ces jeunes délinquants et éventuellement criminels , le service de la police judiciaire qui s’en occupe c’est la Protection Judiciaire de la Jeunesse ou PJJ. Ce sont des magistrats, des policiers, des éducateurs. Ils sont en charge du suivi des jeunes en question.
Depuis 2002, leur effectif à diminué de 7% : voilà un effet UMP. Devant les réductions d’effectifs et multiples déménagements, la dirigeante de se service à fait une tentative de suicide en 2009:
Quelque 150 suppressions en postes en 2009, le redéploiement de 800 autres et une activité “recentrée sur les mineurs délinquants” , dit le ministère. Au détriment de la prise en charge des jeunes dits “en danger”, c’est-à-dire avant le passage à l’acte$
Et voilà donc qu’on va mettre des gens en prison, centre éducatifs fermés sur la base de suspicions et non de jugements sur des faits. Et dans le meme temps l’UMP réduit les effectifs des services chargés de prendre en charge avant les faits de mineurs en situation de trouble… sans nuire à leur liberté ou les enfermer.
Et donc pour 150 postes supprimés en 2009, combien de jeunes non pris en charge ? Combien de problèmes soulevés par ces jeunes, de bêtises ou de délits violents ou non ? Depuis 2007 il y a eu 5 rapports parlementaires concernant la PJJ ! Dans l’un d’entre eux on lit un députe UMP : M. Sébastien HUYGHE :”l’action publique doit rechercher l’efficacité et la performance” et défendre la nouvelle mission des fonctionnaires en question. le mot “recentrage” apparait 11 fois. On doit donc comprendre que jusqu’à cette date les fonctionnaires en questions étaient payés pour des tâches inutiles ? C’est ce qui apparait en creux.
On notera dans ce rapport , l’aspect fondamental, mis en gras : souci de maîtrise de la dépense et de performance de l’intervention publiques. A ce titre le budget “formation” baisse. Allez comprendre la logique.
Manifestement, les faits donnent tort à cette politique néfaste et idiote. Non pas ce seul crime terrible, mais tout le reste: les viols et autres faits répétés avec violence.
Voilà ce qu’en pense un expert de la chose insécurité: Laurent Mucchielli:
On retrouve ici tous les mécanismes que l’on vient de décrire. D’abord, les indicateurs statistiques tirés des enquêtes scientifiques (des enquêtes anonymes réalisées sur des échantillons représentatifs de la population) montrent que les problèmes sont stables sur la petite vingtaine d’années où on les mesure régulièrement. Donc le principal mécanisme qui joue c’est à nouveau la judiciarisation : aujourd’hui vous (policiers et gendarmes) êtes amenés à faire des procédures à l’encontre de gamins qui certes ont fait des bêtises, mais des bêtises qu’ils ont toujours fait et qu’on ne traitait pas comme ça autrefois. Quel homme ne s’est jamais bagarré même une seule fois dans sa jeunesse pour prouver justement qu’il en était un (de bonhomme) ? Qui n’a jamais fumé un joint ou ne s’est jamais enivré ne serait-ce que « pour faire comme les autres » ou bien « pour voir ce que ça fait » ? Autrefois, beaucoup plus de choses se réglaient de façon informelle, par une bonne admonestation et avec les parents. C’était vrai chez vous, les policiers, comme par ailleurs chez les enseignants. Et tout ça se passait dans un cadre d’interconnaissance, à l’échelle du quartier. Aujourd’hui, nous vivons dans des villes et des zones périurbaines presque totalement anonymes. Les gens ne se parlent pas, ne se connaissent pas, ne sont pas solidaires les uns des autres. Convoqués par les autorités policières ou éducatives, les parents défendent leurs enfants plutôt que d’être solidaires avec les autres adultes en position d’autorité. Dès lors on judiciarise de plus en plus, par dépit en quelque sorte, par incapacité à s’arranger autrement. Et aussi parce que le droit pénal est de plus en plus répressif, que les gouvernements ne cessent de créer de nouvelles infractions ou d’élargir leur définition, et parce que les gouvernements mettent la pression en réclamant la « tolérance zéro ». Voilà, l’essentiel de l’évolution à mon avis est là, dans cette judiciarisation.
Ceci dit, à côté des mécanismes général et national, il y a aussi des effets locaux. C’est un deuxième mécanisme qu’on peut appeler la ghettoïsation. Les gens qui cumulent les problèmes sont concentrés au même endroit. On créé des poches de misère, des immeubles de chômeurs et des collèges où la majorité des élèves sont en échec scolaire, dès lors il ne faut pas s’étonner que ce soient aussi des concentrés de diverses violences , chez les mineurs comme chez les adultes.
Voilà donc le fond du problème : il faut agir à l’échelle du quartier, donc de la présence policière, judiciaire, éducative. Pour répondre rapidement à tout acte délictueux, et sans forcément une procédure intense et punitive à outrance. Et quel drame pour l’UMP et le FN : ça demande des fonctionnaires, de recruter du monde et de le former.
Espérons que la gauche et que François Hollande sauront porter le message clair sur ce point: On ne combat pas le crime et la délinquance qu’avec des places en prison en plus.
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