Je vous avais relaté en Janvier 2009 l’étrange aventure de la version Française provisoire du manifesto du PSE. Celui-ci n’existait qu’en version donc provisoire, et je me demandais ce qui justifiait ce coté provisoire et quels étaient les éléments provisoires dans cette traduction ? 

J’ai eu la réponse ce matin en lisant un billet que j’avais mis de coté. Trouve sur l’excellent blog de Jean-Luc Melenchon. Sois Beau et tais toi. Il s’y moque avec talent de son ancien camarade de l’aile gauche du PS, rapidement promu idole des filles par la première Secrétaire.

Venons en a l’essentiel, Meluche critique l’étrange traduction du Manifesto par la direction du PS:

Cette traduction réserve d’énormes surprises car elle déforme lourdement le texte original du Manifesto en inventant parfois de toutes pièces certaines formulations sociales et plus à gauche.(…) Là où le Manifesto se réclame en anglais de l’action des «partis progressistes de gauche et de centre-gauche au pouvoir », la traduction française escamote le «centre gauche» et ne parle que de «partis de gauche » Là où le «Manifesto» appelle en anglais à «tirer le meilleur profit des opportunités qu’offre la mondialisation» comme le ferait n’importe quel libéral, la traduction française fait l’impasse sur la «mondialisation» et parle juste de «saisir les possibilités nouvelles d’un monde ouvert». Et là où le «Manifesto» écrit en anglais, de manière très générale et floue, que «le processus de libéralisation doit être évalué», la traduction française affirme que «les politiques de libéralisation déjà adoptées doivent faire l’objet d’une évaluation sociale», ce qui n’est plus du tout la même chose. Voyons à présent ce qui permettrait l’enthousiasme pour un contenu de gauche de ce document. La question du salaire minimum européen qui réjouissait Razzi Hamadi. Le «Manifesto» se prononce en anglais pour «des salaires minimum décents dans tous les Etats-membres», la traduction française propose «l’établissement d’un salaire minimum décent dans tous les Etats membres» … On fait ainsi croire que le «Manifesto» propose un salaire minimum européen, alors que ce n’est nullement le cas! Dans le document adopté par le PS ce weekend la position est recalée sur le texte anglais: «Des salaires minimaux dans tous les États membres, qui pour nous devraient atteindre 60% du salaire médian de chacun des pays, étape vers un salaire minimum européen». Adieu donc au formidable salaire minimum annoncé dans la traduction toujours en ligne. Quand à l’idée d’un salaire minimum par pays, le problème reste que plusieurs partis socialistes européens s’y opposent farouchement dans leur pays. Comme en Allemagne, par exemple, où c’est Die Linke qui porte cette revendication! Dès lors on n’est pas surpris que le reste de la traduction soit aussi suspecte nombre d’autres questions essentielles. Comme le temps de travail par exemple. En effet quand le «Manifesto» propose de «travailler à promouvoir des horaires de travail décents», la traduction française lui fait dire carrément qu’il faut «agir pour la fixation d’une durée maximale de travail décente». Ce qui, de nouveau, n’est absolument pas la même proposition. Sur l’Otan on navigue plutôt dans la contradiction pure et simple. Le texte adopté par le PS déclare vouloir «Une Europe forte avec une vraie défense européenne et non cette subordination au commandement intégré de l’OTAN que Nicolas Sarkozy impose à la France» Est-ce conciliable avec le texte du Manifesto qui déclare, lui: «La nouvelle initiative européenne de défense doit être développée en coordination avec l’Otan»? Mais au fond cela n’a aucune importance. En effet le traité de Lisbonne déclare que l’OTAN est la base du système de défense des européens et que la défense européenne doit être pensée en conformité avec !

A l’époque j’avais écrit ceci :

Cela fait donc plus d’un mois que le PSE a adopté son manifesto à Madrid. Cela à permis à certains de couiner que le PS était de retour sans trop se questionner sur la mollesse du manifesto qui reste un catalogue de bonnes intentions sans trop de prises de risques en terme de vocabulaire ou de choix politiques.

Quand le système se plante, l’Europe sociale-démocrate n’appelle qu’à des mesures qui ne touchent pas au système. Alors qu’on peut même entendre des complices du capitalisme (J6M) prôner la fin de la spéculation à crédit, ce qui serait une mesure très efficace.

Ce reste d’actualité, et j’espère que le troll chargé de sauver le soldat PS qui était venu chercher sa claque ne reviendra pas.

La critique du PG sur la proposition 16, mérite en effet qu’on y consacre un peu de temps en consultant la version anglaise du manifesto disponible en ligne au format PDF :

We propose a European pact on wages, guaranteeing equal pay for equal work and setting out the need for decent minimum wages in all EU Member States, agreed either by law or through collective bargaining and applying both to citizens and migrant workers. Social rights include the right to a fair level playing field for workers.

Il n’y a ici aucun élément qui permette de lire une quelconque obligation dans cette phrase: on parle ici de formuler le besoin de salaires minimums dans les pays de l’UE et nullement un salaire minimum. Vous lisez bien salaires avec un “S”, ce qui veut dire qu’on ne cherche pas ce qu’on annonce ici ou là ( cf Hammadi dans Libération).

En ce qui concerne les 60% de salaire médians que Meluche trouve dans la communication du PS, on n’en trouve pas trace dans la version anglaise du manifesto ni dans sa version française mais sur le site Web du PS: Des salaires minimaux dans tous les États membres, qui pour nous devraient atteindre 60% du salaire médian de chacun des pays, étape vers un salaire minimum européen.

Alors faisons un petit calcul si vous le voulez bien. Le salaire médian en France est d’environ 1500 euros nets selon l’INSEE. 60% de ce niveau de salaire c’est la base pour calculer le niveau de pauvreté au sens de l’UE, soit environ 900 euros net. le PS propose donc de payer au minimum le salarié au niveau officiel de la pauvreté. C’est une régression historique, cela reviendrait par exemple à payer les salariés moins cher que le SMIC (1320 euros bruts)  en France!

La version française du manifesto explique que Les travailleurs ne doivent pas voir leurs droits sociaux mis en concurrence. Mais que veut donc dire la version anglaise: Social rights include the right to a fair level playing field for workers.  Ce qui signifie en français, que les droits sociaux incluent le droit à une libre concurrence pour les travailleurs. Ce n’est pas tout à fait la même chose vous en conviendrez facilement. On notera aussi le glissement sémantique violent, accrochez vous au branches, ça va secouer. Voilà ce que me dit WikipediaLevel playing field est un terme anglo-saxon désignant un e
nvironnement dans lequel toutes les entreprises d’un marché donné doivent suivre les même règles, et ont les même capacités à être compétitifs
.

C’est tout simplement la fameuse concurrence libre et non fausée, le mythe libéral absolu. A moins que le PSE ne nous propose une version sociale-démocrate de la libre concurrence chez les salariés, une drôle de notion.

La proposition 19, propose en version originale : In addition, we will work to promote decent working time, meeting health and safety standards, and a fair work-life balance. Ce qui en fait une proposition molle : Nous travaillerons à promouvoir un temps de travail décent. Ce n’est pas un engagement franc et massif, c’est le moins qu’on puisse dire non? la notion de décence étant toute relative.

Tout cela est assez inquiétant, on se demande si la direction du PS mesure la dimension du problème.


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