A l'aide!
Voici un billet que je voulais faire depuis quelques mois, alors qu’il est super simple vous allez le voir. Fin 2006, la cour des comptes à sorti un rapport sur les aides publiques en France. Vous pouvez le feuilleter ou le télécharger dans ce billet. Lors de la présidentielle de 2007, seule Ségolène Royal a expliqué qu’il fallait regarder tout ça de près et remettre en question le maximum de choses.
Voici les éléments à connaitre, vous constaterez qu’il y a là du gain à moudre comme on dit. Et il faut aussi savoir que depuis 2007, le paquet d’aides à grosse: l’UMP sarkozyste en a rajouté. Et que le MEDEF est silencieux sur ce sujet.
On peut estimer à près de 65 milliards d’€ l’ensemble des aides publiques aux entreprises, dont 90 % sont financées par l’Etat, et à au moins 6.000 le nombre cumulé des dispositifs d’aides, dont 22 aides européennes, 730 aides nationales et, par exemple, 650 pour l’ensemble des collectivités de la seule région Ile-de-France.
Retenons : 65 milliards d’aides en 2006 et 6000 aides possibles. C’est dès la page 5 de la synthèse. A la même page on découvre qu’il y a au moins au moins 42 dispositifs à ce jour d’allègements spécifiques de charges sociales pour les aides au recrutement. Étrangement ceux qui veulent simplifier le droit du travail ne simplifient pas du tout la cagnotte à aides. Sur la même page on lit aussi ça :
Malgré l’existence d’évaluations, en réalité nombreuses, rares sont celles qui sont concrètement suivies d’effet dans le sens d’une plus grande cohérence et d’une meilleure efficience. Le doute s’installe dès lors périodiquement sur l’impact réel des aides publiques aux entreprises, et notamment quant à un pur effet d’aubaine et quant à une dilution de l’intervention publique sans réel effet retour que soulignent de nombreux exemples.
On résume donc : Les évaluations des aides ne sont pas suivies d’effets. On laisse donc le tas d’aides grossir sans vraiment essayer de faire quoi que ce soit. Vu la taille du pactole, rien d’étonnant.
On se pose alors une question, s’il y a tant d’aides en nombre et en montant, quelles sont les entreprises qui en bénéficient ? Après tout, il s’agit d’argent public, et l’usage de l’argent public doit être suivi à l’euro près ( d’après vous qui a expliqué ça en vain en 2007?). La cour des comptes explique même qu’on devrait connaitre cette liste, au regard des règles du marché unique. J’attend que les oui-ouistes soutiennent alors ce besoin de publicité. Par ce que ça va être dur. Voici ce qu’on lit page 6:
Les entreprises elles-mêmes ne souhaitent pas un affichage détaillé des aides publiques reçues, en raison de l’utilisation qui pourrait en être faite par leurs concurrents, voire pour des motifs plus particuliers concernant les secteurs dits « sensibles ».
Il suffira de feuilleter le rapport pour découvrir que 80% du montant des aides va dans des secteurs non stratégiques et non soumis à concurrence pour la majorité d’entre elle. La loi devrait imposer la publication de toute aide, réduction de cotisations dont bénéficie n’importe quelle entreprise et punir d’amende (au moins 5 chiffres). Et qu’on ne me dise pas que c’est compliqué, les entreprises savent bien réclamer ces aides.
On découvre page 9, que certains pays comme le Canada, ont déjà montré la voie : une rationalisation des dépenses a permis par exemple une diminution des subventions aux entreprises de 60 % au cours des années 1990. Voilà donc un truc à regarder de près, quelles ont été les conséquences de cette politique ? Le rapport n’en dit pas plus.
Venons en à la ventilation des aides par finalités. C’est la page 26 qui nous dresse un tableau que je reproduit ici :
On constate qu’il y a 10 fois plus d’aide sous forme de réductions pour l’emploi (baisses de cotisations, les fameuses “charges”) que pour de financement pour la R&D ou la formation des salariés. Et ces baisses de “charges” se font sur des emplois peu qualifiés.
D’ailleurs la cour des comptes note cela de manière très juste :
Les aides de compétitivité-coût (baisse des charges des entreprises) atteignent 70% du total, contre 30% seulement pour la compétitivité sur la valeur ajoutée (dépenses d’avenir). Une politique visant à inverser ces ordres de grandeur dégagerait ainsi plus de 20 milliards d’€ pour l’investissement dans l’avenir. Les aides liées à « l’économie de la connaissance » (R&D, innovation, savoir) sont nombreuses en affichage : près de 30% du nombre total de dispositifs. Elles sont pourtant marginales en volume, à peine plus de 5% du total. Il s’agit pourtant de la priorité affirmée et maintes fois réitéréedu processus de Lisbonne pour relancer l’économie européenne.
Tiens comme c’est bizarre, si on inversait des priorités on pourrait répondre à nos engagements européens: allo les oui-ouistes ? vous suivez encore ? Par ce que voici un 2nd tableau. Cette fois-ci ça concerne les aides par ciblage : large, sectoriel ou PME. Et oui, la cour de comptes a réussi à obtenir un peu de détails.
Et c’est là que la cour des comptes lève un lièvre et pas un petit :
Le principal enseignement de ce tableau est le caractère marginal des aides ciblées sur les PME, avec seulement 9% du total. Leur développement est pourtant affiché comme une priorité par les gouvernements successifs.
Vous avez bien lu et vous pouvez faire le calcul vous même, sur ce gros pactole (ici de 57 milliards), seuls 9% vont aux PME. Un PME est une entreprise de moins de 250 salariés. En 2005, selon les chiffres du gouvernement, l’emploi dans les PME représentait 86% de l’emploi salarié en entreprise.
On résume donc: Seul 9% du montant du pactole vont vers les PME qui représentent 86% de l’emploi. Le reste va donc dans les grandes entreprises. Et comme par hasard, celles-ci arrivent à bien se débrouiller, comme le précise la cour des comptes :
L’essentiel des aides (55%) bénéficient potentiellement à l’ensemble des entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité. C’est le cas des aides à l’emploi, des aides à la formation ainsi que la plupart des aides à l’investissement transitant par le soutien à l’investissement dans le capital des entreprises (fiscalité de l’épargne, pour 8 milliards d’€). Ces aides vont, en pratique, en majorité aux grandes entreprises.
Maintenant rendez-vous page 28, on y découvre la répartition des aides par secteur. Le transport, le Logement et l’agriculture a eux seuls représentent 80% du montant des aides. Ce sont comme par hasard, les secteurs où on trouve les plus bas salaires, des CDD, de l’interim et qui ne sont pas stratégiques ni soumis à une intense concurrence internationale. Sur la même page, on découvre que 42% du montant des aides servent à la baisse du cout du travail : Ce sont ces fameuses exonérations de charges cotisations sans aucune obligation ou contre-partie.
Mais alors que faire ?
Voici quelques pistes, résumées bien sûr.
Donnant Donnant , contractualiser les aides.. C’est ce que nous proposions en 2007 et qui a été vite oublié par la presse, pensez donc, les mêmes courent après des aides en tout genre. Certains me diront que ça va être compliqué, je les invite à relire les citations de la cour des comptes. Il est évident que cette contractualisation devrait se faire à un échelon local: région, collectivité locale. De manière à rapprocher le bénéficiaire de celui qui applique et contrôle l’aide.
Pas d’aide aux entreprises bénéficiaires qui licencient. C’est une chose évidente, elle devraient même devoir rembourser les aides obtenues précédemment et désormais contractualisées.
Bonus-malus sur les aides et exonérations: Celles-ci sont alors modulées en fonction de critères sociaux, écologiques et économiques. Ainsi une entreprise qui exploite de l’intérim ou emploie des CDD se verrait moins aidée que celle qui emploie ses salariés en CDI. Je reviendrai un jour sur cette notion de bonus-malus étendu.
Pas d’aides aux entreprises cotées en Bourse et qui se financent donc par le marché. Rassurez vous ça ne concerne que 700 à 800 entreprises… Mais étrangement on retrouve alors les grands groupes du CAC40 et autres bénéficiaires de l’oligopole que nous devons tous combattre.
Print article | This entry was posted by Rva on October 24, 2009 at 7:11 pm, and is filed under Republique Bananière. Follow any responses to this post through RSS 2.0. Both comments and pings are currently closed. |
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about 4 years ago
Bravo, beau boulot
Ce billet la, je le garde sous le coude
about 4 years ago
joli travail!!
bravo
about 4 years ago
Trés bien.
On s’en doutais un peu mais là il y a des preuves de l’incompétence des politiciens
ou plutôt du mensonge généralisé qui entoure ces aides.
On apprécie mieux le discours économique des ministres, de madame Lagarde et surtout du président.
On s’aperçois aussi que leur seul but depuis des lustres est l’enrichissement des requins déjà remplis et qui n’en ont jamais assez.
Ce gouvernement n’a pas été élu mais coopté par le pouvoir financier
about 4 years ago
A garder sous le coude exactement comme dit Toyan
“Ce gouvernement n’a pas été élu mais coopté par le pouvoir financier” (Jan1)
Sur ce sujet lire :
http://www.liberation.fr/politiques…
about 4 years ago
Excellent billet ! La gestion du budget de l’état par l’UMP est décidément une catastrophe absolue. Comme tu dis … à l’aide !!!!
about 4 years ago
Très bon billet. A cela il faudrait aussi rajouter une réforme fiscale qui privilégierait le travail et non le capital. Par exemple comme je le proposais ailleurs, un impôt société progressif dont le taux dépendrait du bénéfice rapporté à la masse salariale ou aux effectifs.
about 4 years ago
Rien d’étonnant: les grandes entreprises sont plus structurées que les petites, elles peuvent donc bien “objectiver” quelques personnes pour “optimiser” l’acces aux aides. Ce que ne peuvent pas faire les PME, qui ont moins les moyens de perdre du temps.
De la même façon, les grandes entrepises trouvent des gisements de gains de productivité: stagiaire, recours massif à l’intérim ou aux CDD, désaveu de période d’essai. Qui le verra dans la masse ?
Et puis, les grosses entreprise, leurs patron font partie des “happy few”, ceux des boards, les CEO et autres administrateurs à jetons de présence. Quand ils n’y sont pas, ils sont chefs de cabinets au gouvernement (vous vous rappelez certainement Noel Forgeard, chef de cabinet de Chirac…). Alors, quand on a si tant beaucoup travaillé ses relations, c’est bien normal d’avoir un accès plus facile aux aides, ça permet de financer sa ptite pirme de fin d’année ou son charapute doré !