L'incroyable prise de risque de l'actionnaire
Si vous suivez les discussions des libéraux, ceux-ci vous expliquent que la prise de risque de l’actionnaire justifie la “juste” rémunération du capital. Certains osent même penser ou écrire que l’actionnaire prend plus de risques que le salarié qui est tranquille chez lui et dans l’entreprise. Pour peu, bientôt on les lira nous expliquer que le salarié spolie le droit de propriété de l’actionnaire en réclamant un salaire ou une augmentation.
Ainsi donc l’actionnaire prendrait des risques. Risques rémunérés donc justement par la rémunération de son capital qui correspond à une portion de propriété d’une entreprise. On va donc déjà partir d’un comparaison simple.
L’actionnaire au contraire d’un salarié peut varier la prise de risque en étant détenteur de parts de capital de plusieurs entreprises dans des domaines variés : Finance, automobile, industrie médicale, génie génétique, matières premières et… Et ce en fonction d’indicateurs accessibles à tous: Cours de bourse, et avis d’experts qu’on trouve dans la presse ou gratuitement sur des blogs. On trouve dans ces conseils des remarques sur la nullité des gestionnaires ou les erreurs de gestion. Ceci permet en principe à l’actionnaire de se faire une idée sur l’entreprise dont il veut pendre une partie du capital.S’il ne le fait pas c’est qu’il est con comme un manche.
Le salarié lui ne peut pas varier la prise de risque en entreprise. Il n’a qu’un salaire et ne peut pas cumuler 7, 8 ou 150 sources de risques et de revenus. Par salarié, j’entends ici le salarié ordinaire, qui correspond en gros à 95% de la population active. Cela exclue les spécialistes des changements d’entreprise à gros bonus, les cost-killers et autres mercenaires. Le salarié est isolé, tandis que certains essayent à tout pris de réduire le rôle des syndicats. Et ceux qui veulent réduire les droits des salariés sont en général de zélés défenseurs de la prise de risque comme argument massue dans une discussion avec par exemple des semi-illettrés. On oubliera pas de préciser aussi que le salarié ne peut pas prendre facilement le risque de critiquer la nullité de son employeur ou ses erreurs de gestion. Et désormais on demande aux chômeurs de ne pas refuser 2 offres jugées “convenables” par des tiers… au risque de perdre partiellement le bénéfice de l’assurance chômage. Par contre l’actionnaire lui reste libre de ses choix…
On ne s’attardera pas non plus au cas très spécial des membres des conseils d’administration ou de surveillance. Ils sont parfois multi-cumulards et ne prennent vraiment pas trop de risques à part compter les jetons de présence… Sauf celui de se voir en partie réduit au chômage si par bonheur la proposition de loi de Lefebvre visant a limiter ce cumul était adoptée.
L’actionnaire qui ne prend pas de risques est en général victime d’une mauvaise affaire qui est plutot rare ou alors il profite d’une bonne information ou est initié (ce qui est parfois un délit). La mauvaise affaire, c’est Eurotunnel par exemple, ou Natixis. On va eventuellement vous trouver 2 ou 3 témoignages de petit actionnaire ruiné (au cours du jour bien sûr), quel est le poids social et économique de ces individus face à 300 000 nouveaux chômeurs ?
Mais avouez qu’il faut vraiment être con pour mettre toutes ses économies dans un truc unique sans s’interroger sur le schéma économique que ce soit Eurotunnel ou Madoff. Dès que vous voulez vous constituer un patrimoine boursier, c’est ce qu’on vous conseille: Diversifiez votre portefeuille. Le second conseil que j’ai entendu, c’est de ne pas vendre à la première frayeur, et de profiter des baisses globales pour acheter des actions dont on n’est sûr et certains qu’elles prendront plus de valeur ultérieurement. C’est un comportement de rapace qui ne comporte pas de risques: il faut juste être patient.
Il faudrait aussi qu’on estime la part du risque prise par les actionnaires en fonction de leur patrimoine existant. Une prise de risque sans patrimoine, ça peut générer bien plus de problèmes que s’il existe un solide patrimoine. Il faudrait donc connaitre la sociologie de l’actionnaire. On peut présupposer qu’il est rentier ou nanti d’un patrimoine. En effet, ce n’est pas facile de placer de l’argent en bourse sans patrimoine. Tout ce qu’on sait c’est qu’ils sont environ 6.2 millions en France, et que la part des actions représentaient environ 10% du patrimoine global.Il serait donc très intéressant de voir la dotation en patrimoine et revenus de ces 6,2 millions d’individus. Au vu des quelques reportages, je dirait qu’ils s’agit sans doute d’un repaire de VMB de plus de 50 ans. VMB signifiant Vieux Mâle Blanc.
L’actionnaire s’il est suffisement futé, peut s’enrichir sans dépenser un seul centime en pratiquant le subtil jeu de la vente à découvert. C’est un vrai risque d’après les banquiers, mais les croyez vous en ces temps où ils planquent des milliards de créances pourries dans leurs comptes. Il faut d’abord avoir un compte titre et pas un simple PEA, et ça demande du flair ou de bonnes informations. Rares sont ceux qui se ruinent dans de tels trucs, surtout quand le marché est à la baisse, et on gagne vite des sommes plus que rondelettes. Cela revient tout simplement à spéculer sur les emmerdements d’une entreprise ou d’une nation. A relier à l’usage du mot éthique par les libéraux. Il prend ici tout son sens.
L’actionnaire peut aussi investir dans de vraies rentes de situation: GDF par exemple, ou bien les sociétés autoroutières. Ici la prise de risque est plus que minime et la rente coule toute seule. On le voit la notion de risque pris par l’actionnaire est assez fine, et le seule vrai prise de risque c’est le capital-risque… ou de choisir le salariat en ces temps où la finance décide de la suppression de postes ou d’emploi pour ajuster en prévision de futurs risques supposés et garantir une forte rémunération du capital de ceux qui n’en prennent pas.
Dans ce cas là, l’actionnaire ne prend pas de risque et se débarrasse du salarié: ce dernier doit être bien plus réactif et adaptable que l’actionnaire. On voit donc bien rapidement, que la notion du risque pris par les actionnaires reste très floue, voire même un mythe entretenu par les libéraux pour rester présent dans les conversations.
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Par pitié ne nous oblige pas à dire du bien de Frédéric Lefebvre !